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Dû, oui. Don, non ?

Jacques IsoréConsultant formateur

« Comment favoriser l’implication de mes collaborateurs ? », « Comment motiver mes collaborateurs ? ». Ces questions sont récurrentes chez les managers et les réponses sont multiples. Plusieurs ouvrages (dont « La part maudite », Georges Bataille - Editions. Minuit) apportent un nouvel éclairage à cette question au travers du concept de « dû » et de « don ». Mais de quoi parle-t-on ?

Le « dû »

Il fait référence à la logique de contrat qui est à l’origine de nos transactions commerciales, professionnelles ou économiques.

En entreprise, le contrat est la référence sur laquelle les collaborateurs s’appuient pour ajuster leurs comportements quotidiens en recherchant l’équilibre le plus juste possible entre leur contribution et leur rétribution. Ils dosent leurs efforts en espérant un retour plus ou moins explicite, en fonction du type de relation ou de contrat qui les lient à l’organisation et à leur manager. Ils mesurent la valeur de ce qu’ils cèdent et de ce qui leur est rendu et entretiennent ainsi une relation dans laquelle ils s’investissent différemment selon ce qu’ils estiment devoir, ou pas, à l’organisation.

Cette relation « donnant-donnant », si elle est nécessaire, montre ses limites pour maintenir une relation pérenne. En effet, le contrat de travail et la définition de fonctions ne suffisent pas à rendre compte des prises d’initiative, des motivations et de l’implication de collaborateurs. Il manque ce petit plus qui permet d’obtenir de meilleurs résultats, d’augmenter la compétence collective et le lien social, en-dehors des règles et des procédures officielles.

Que faut-il de plus que le « dû » pour construire la coopération ?

Le don.

En quoi le don est-il la réponse ? Qu’est-ce qui se donne ? Pourquoi donne-t-on et, tout d’abord, qu’est-ce que le don ?

On peut le définir comme la transmission d’une chose choisie à une personne ou un groupe décidée pour des raisons non directement économiques et en-dehors de toute attente de retour. Dans ce sens, donner, c’est se séparer de quelque chose. C’est « perdre ». Mais s’agit-il vraiment d’une perte « sèche », d’un désintéressement total ? Pas si sûr.

En effet, alors que le « dû » a une portée économique, le don a davantage une portée symbolique. Il représente souvent la volonté de rendre manifeste un lien, une valeur, un sentiment invisible.

Les raisons qui poussent un collaborateur à donner peuvent alors être multiples : donner pour « être ensemble », donner pour éprouver le sentiment d’exister, pour éprouver le sentiment d’appartenir à un groupe, donner pour être reconnu. Donner engage la personne dans son affect, donner c’est sortir de son rôle, c’est se dévoiler. La tribu Maori (Marcel MAUSS : « Essai sur le don » – Ed. PUF) considère que « les choses données contiennent l’esprit du donateur ».

Donner est un acte impliquant représentant un pari sur la possibilité de créer ou de renforcer le lien. Moment intense, le don entraîne le partage des émotions ayant des dimensions affectives, cognitives et symboliques. En très peu de mots, il condense une communication effective dense : rendre service, donner des informations, livrer un secret, soutenir quelqu’un, passer du temps avec lui, reconnaître ses compétences, transmettre un savoir-faire, etc... Autant de choses à donner, autant d’occasions de dire quelque chose aux autres, autant de moments pour montrer son engagement.

C’est l’affect, plus que l’intérêt, qui va assurer la pérennité des relations liées au don. Ce qui compte dans le don n’est ni la nature du don, ni sa valeur, ni la proximité du rendu attendu éventuel, mais la relation qui se marque souvent à travers un « accusé de réception ». Le sourire, le regard ou le mail de remerciement, sont les accusés de réception qui permettent au donateur de s’assurer que le geste est bien perçu comme un don.

Et pourtant…

Malgré sa forte valeur symbolique, le don est loin d’être valorisé en entreprise. Nombre de managers n’ont pas conscience de ce qui s’échange dans la relation ou trouvent normal et légitime d’accepter le don de leurs collaborateurs et les pratiques d’échange social. Ils tolèrent les arrangements, l’existence de réseaux et même la transgression des procédures dans la mesure où toutes ces actions produisent des résultats réels. Mais tolérer n’est pas reconnaître, et encore moins célébrer ! Le don véritable se fait souvent en tête à tête, dans une relation non ostentatoire. Certains managers ne gèrent bien que ce qu’ils voient, ce qu’ils savent mesurer et donc ignorent le don. Ils se concentrent donc sur les échanges qu’ils peuvent rationnaliser et contractualiser. Ainsi, le don devient petit à petit une activité clandestine, voire illégale !

L’entreprise reconnait encore rarement les investissements spontanés de ses collaborateurs dans les échanges. Elle leur demande, paradoxalement, de s’y investir plus et de donner encore plus, mais de façon plus contrôlée.

Alors…

Dans un tel contexte, les collaborateurs modifient leurs projets personnels, professionnels, sociaux, familiaux pour mieux répondre aux attentes des managers, ou des clients,

En effet, à travers le récit des trajectoires professionnelles, nous constatons que les salariés questionnent et redéfinissent en permanence leur rapport au travail, à l’entreprise, à leur famille, à leur carrière. La répétition des moments de doute sur l’identité professionnelle induit un investissement personnel considérable : investissement en connaissances techniques, en relations de travail de plus en plus complexes, en projets passionnants où le temps n’est pas compté. Les postures d’équilibre précaire entre missions officielles et exigences réelles sont légions !

Ce don au collectif, cette contribution forte, récurrente, coûteuse est bien souvent ignorée et les motifs de frustration augmentent. En effet, la rapidité des changements, l’exigence de réactivité et le stress qu’elle génère, l’individualisme, les modes de gestion centrés sur l’efficacité…Tout concoure à rendre le don de plus en plus difficile alors que les collaborateurs ressentent de plus en plus le besoin d’être encouragés dans leurs comportements altruistes et leur désintéressement.

Cruel dilemme pour les managers ! Soit, ils obéissent à la seule logique du « dû », assortie de ses relations déshumanisées, ses heures comptées, son absence d’initiatives et les conséquences qui les accompagnent : anxiété, lassitude, stress… Soit, ils choisissent de favoriser la logique du don parce qu’ils sont convaincus qu’elle favorise l’implication de leurs collaborateurs : c’est ainsi qu’ils vont accepter d’apporter des contributions variées, personnelles et engageantes.

Comment procéder ?

Cette dernière partie s’adresse aux managers qui, convaincus que la logique du don est la seule qui permette de renforcer la coopération et de développer une efficacité durable, s’interrogent sur la manière de procéder.

D’abord, parce que le don est contagieux, le manager a « intérêt » à pratiquer le don. Donner du temps, donner de l’écoute, transmettre, expliquer,… autant d’activités qui, par mimétisme, seront reproduites par les autres. Tous les autres : pas seulement ses collaborateurs, mais également la hiérarchie, les autres managers, ses partenaires, etc.

Ensuite, il peut valoriser, « solenniser » chaque don de ses collaborateurs. Il s’agit de« marquer le coup» : faire s’exprimer le bénéficiaire du don sur la portée, la richesse et la pertinence de ce qu’il a reçu est un fort levier de valorisation de l’acte de don.

Ensuite, il peut personnaliser son management. En étant attentif à ce qui motive chacun, il choisira de donner de l’autonomie à l’un, une mission intéressante à l’autre.

Il peut également développer les champs de responsabilité, les marges de manœuvre, les champs de décision individuels et collectifs pour développer une relation de confiance.

En préparant ses entretiens d’évaluation avec chacun de ses collaborateurs, le manager se posera la question suivante : « Que lui ai-je donné cette année ? ». Ou, mieux encore : « Que vais-je lui donner cette année qui ne soit pas une compensation des mérites passés (ce qui le replacerait dans une logique du « dû ») ? Lui demander de m’accompagner dans telle réunion ? Lui transmettre des informations stratégiques ? Lui consacrer plus de temps, tout simplement ?

Au fil du temps, le manager constatera que le climat a changé : ses collaborateurs échangent davantage, viennent travailler le sourire aux lèvres, l’absentéisme diminue, les initiatives sont plus fréquentes et plus pertinentes, ils anticipent et alertent car ils se sentent responsables de ce qui arrive, responsables d’un périmètre bien plus large que celui de leur fonction, ils proposent des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent…Il se pourrait même qu’ils restent de temps en temps un peu plus tard le soir pour finir un travail ou tout simplement pour le plaisir d’échanger (de donner).

Alors, don ou dû ?

Ecrit par

Jacques Isoré

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