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Managers, traitez la dimension émotionnelle d’un conflit

L’outil « Les niveaux de Vérité », conçu par le psychologue américain Will Schutz (1), permet à une personne, confrontée à une situation émotionnellement déstabilisante, de traiter la dimension émotionnelle d’un conflit. Elle prend conscience de son ressenti négatif pour le désamorcer et sortir d’un conflit.

La Vérité, selon Will Schutz, comporte 2 facettes :

Identifier les niveaux de Vérité en zone rouge qui maintiennent le conflit

Pour illustrer les niveaux d’ouverture, prenons l’exemple d’un manager, responsable du parc automobile, qui est en conflit avec l’un de ses collaborateurs, responsable d’atelier. Ils travaillent ensemble depuis 4 ans et sont en conflit ouvert depuis 3 ans. Plusieurs tentatives ont été faites pour résoudre le conflit mais rien n’y fait.

Niveau -1 le déni est l’absence de conscience de soi (de ses comportements, ses sensations, ses émotions) et de la situation. La personne se leurre. Dans notre exemple, le manager se dirait « je ne vois pas quel est le problème ». Le niveau -1 du déni nécessite souvent une aide extérieure pour aider la personne à prendre conscience de son ressenti.

Niveau 0 la rétention consiste à être conscient de la situation mais sans le reconnaître totalement et sans l’exprimer. Dans notre exemple, le collaborateur pense qu’il devrait parler du problème avec son manager mais… il ne le fait pas.

Niveau 1 le blâme consiste à s’ouvrir en accusant l’autre et en le rendant responsable de la situation. Le manager et son collaborateur communiquaient essentiellement à ce niveau en s’invectivant de manière agressive.

 

Les niveaux de Vérité en zone verte qui permettent de sortir du conflit

Niveau 2 le ressenti, la personne prend conscience de ses émotions et est en capacité de les exprimer : Le manager et son collaborateur ont eu accès à ce niveau en répondant à la question : « Qu’est-ce que je ressens face à cette situation ? ». Ils ont identifié leur émotion (colère) et son intensité (forte car entretenue depuis 3 ans).

Niveau 3 l’explication consiste à expliciter le(s) déclencheur(s) de l’émotion en décrivant factuellement la situation. Il s’agit de décrire les faits concrets qui sont à l’origine de la situation en répondant à « Quelle est la situation ? ».

Dans notre exemple, trois ans auparavant l’entreprise avait revu les libellés emplois et le collaborateur avait eu un libellé de « Technicien Supérieur », lui qui espérait tant être « Responsable d’atelier »… titre qui n’était pas prévu dans les libellés emplois.

 

Niveau 4 la projection consiste à prendre conscience de ce que j’imagine que l’autre pense de moi, des pensées que j’attribue à mon sujet « Qu’est-ce que j’imagine que l’autre pense de moi ? » – la personne prend conscience du « film » qu’elle se fait à propos de la situation. Dans notre exemple, les deux interlocuteurs avaient comme  projection : « J’ai l’impression que tu penses que je ne suis pas compétent en tant que manager (ou en tant que collaborateur).  »

Niveau 5 la peur est le niveau ultime de la prise de conscience de soi, celui où la personne identifie la peur sous-jacente qui, non gérée, explique l’implication dans le conflit et la difficulté à en sortir : la question est ici : Quelle est la peur qui est activée chez moi ?

 

Selon Will Schutz, les trois peurs personnelles profondes sont :

Chacun est plus ou moins concerné par l’une de ces peurs et une même situation donnera lieu à une explication et une projection différente en fonction de la problématique qui concerne plus particulièrement la personne. Par exemple, « Il ne m’a pas invité à la réunion » (c’est un fait, Explication) pourra être interprété (projection) comme « Il considère que je ne suis pas assez important, que je ne suis pas compétent ou il ne m’apprécie pas. ».

En questionnant ces niveaux de Vérité 2, 3, 4 et 5, la personne prend conscience et choisit d’assumer la responsabilité de ses comportements et de son ressenti dans le conflit.

S’ouvrir à l’autre

L’hypothèse est que le conflit est entretenu par le manque de prise de conscience vis-à-vis de soi, de l’autre et de la situation et par manque d’ouverture à l’autre (niveaux -1, 0 ou 1) et que pour en sortir, il convient de s’ouvrir davantage. Le choix du niveau d’ouverture à l’autre sera fonction du degré de confiance dans la relation : les niveaux 2 (ressenti) et 3 (explication) sont bien souvent suffisants pour débloquer la situation. Les niveaux 4 (projection) et 5 (peur) supposent une confiance élevée dans son interlocuteur.

Revenons à notre exemple : le manager et le collaborateur ont pris conscience qu’ils étaient tous les deux très en colère (niveau 2). Le collaborateur a verbalisé les faits qui se sont produits il y a 3 ans (niveau 3) et pris conscience de l’interprétation (niveau 4) qu’il en a fait : il a imaginé que son manager avait refusé de lui accorder l’intitulé de poste qu’il souhaitait parce qu’il le considérait comme incompétent. Cette situation le mettait en contact avec sa peur personnelle d’être incompétent (niveau 5). Le manager était de son côté confronté à la même problématique. Après que les deux ait réalisé ces prises de conscience, ils ont pu échanger sur leurs besoins respectifs dans la relation et formuler des demandes sans agressivité.

La relation manager/collaborateur est repartie sur des bases plus constructives.

 

(1) « L’élément humain – Comprendre le lien entre estime de soi, confiance et performance », InterEditions